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Magicien de la lumière, sculpteur de rêves, architecte de l’imaginaire, le scalpel à la main, il tranche dans le vif, racle et gratte. Puis enfin satisfait, il s’éloigne pour voir l’effet obtenu, mais rapidement il revient à la charge, ses doigts agiles modèlent la matière – argile ou plâtre -, ajoutant ici, lissant là. Une fois encore, notre homme s’éloigne, tourne lentement sur lui même cherchant des yeux un objet familier. Le voilà… posé sur le coin de la cheminée de marbre blanc, il tend la main vers lui et se saisit d’un petit miroir de poche, compagnon indispensable qui lui permet de promener son regard en tout point de sa maquette, traquant sans relâche la moindre imperfection.

Antoni Gaudi dessine peu, il préfère de beaucoup le modelage qui lui permet de donner vie aux images fantastiques qui peuplent son cerveau toujours en ébullition. Il y a dans la recherche des formes qui naissent sous ses doigts un contact sensuel avec la matière qui lui plait davantage que la froide blancheur de la feuille sur laquelle il trace méticuleusement, à l’encre de Chine, les épures des éléments architectoniques qui peu à peu s’ordonnent sur le papier. Il tord, ploie, triture, étire, déforme, et réinvente. Piliers, colonnes, chapiteaux, fenêtres, portes, trumeaux, cheminées, escalier en colimaçon ou à volée droite sont autant de nouvelles sources d’inspiration. Son imagination ne connait pas de limites, rien ne lui semble impossible. A chaque problème de construction il apporte une réponse architecturale magistrale. Gaudi transpire l’Architecture par tous les pores de sa peau: LUI et ELLE ne font QU’UN ! Il est le créateur et la création.

Un mystère entoure le lieu de sa naissance. Deux villes voisines – Reus et Riudorns – se disputent la paternité de ses origines. En fait bien que plusieurs documents officiels stipulent qu’il naquit le 25 juin 1852 à Reus, Gaudi lui même affirmait que sa ville natale était Riudorns, ville d’où était originaire son père Francesc Gaudi i Serra. Il était le cadet d’une famille de cinq enfants mais seuls trois des enfants atteignirent l’âge adulte. Enfant chétif souffrant de rhumatismes, timide et réservé, il devient végétarien et s’astreint parfois – par mysticisme et ascétisme – à des jeûns sévères dont l’un d’entre eux – en 1894 – faillit lui coûter la vie.

Adolescent doué en dessin, il collabore de temps en temps à l’hebdomadaire L’ARLEQUIN. A seize ans il part à Barcelone poursuivre ses études et adhère au socialisme utopique. Puis de 1875 à 1878 il fait son service militaire dans l’infanterie mais à cause de sa santé déficiente il est souvent renvoyé dans ses foyers ce qui lui permet de poursuivre ses études et d’échapper à la guerre Carliste. L’année 1876 se révêle être une bien triste année avec le décès de sa mère âgée seulement de 54 ans et celui de son frère Francesc, 25 ans, médecin titularisé mort sans avoir pu exercer.

Lors de l’obtention de son diplôme d’architecte, à l’âge de 26 ans, Elies ROGENT – directeur de l’école Technique Supérieure d’Architecture de Barcelone déclare: « Nous avons délivré le titre d’Architecte à un fou ou à un génie, seul l’avenir le dira… ». Bien plus tard ce sera à un autre « fou génial » – Salvador DALI – qu’il devra sa réhabilitation après une longue période d’oubli dans laquelle l’avait précipité le Franquisme. Très vite ses premières commandes lui apportent une certaine renommée et bientôt il se lie avec le riche industriel Catalan Eusèbe GUELL qui sera un ami tout autant qu’un mécène.

D’abord influencé par l’architecte Viollet-Le-Duc dont il admire la puissance de travail et les idées modernistes, il finit par affirmer son propre style plus fantasmagorique, puisant aux tréfonds de son imagination les formes qu’il croit voir dans la nature. Ainsi les cheminées de ses immeubles se transforment-ils en géants de pierre, ces fameux géants combattus par le fier et valeureux Don Quichotte de la Mancha. Tout comme Guimard, autre figure de proue du nouveau courant de l’Architecture Européenne de cette époque, il dessine tout à la fois l’immeuble et les meubles qu’il contient. Aucun élément – si petit soit-il – n’est négligé. Il créé ainsi céramiques, vitraux, boiseries, ou travaux de ferronnerie. A l’Exposition Universelle de Paris en 1878 il expose une vitrine qui attire l’attention du public par son fonctionnalisme et son esthétique très moderne. Outre ses talents d’architecte, d’ingénieur structuraliste, de décorateur, de designer (mot qui n’existait pas à l’époque), il fut aussi paysagiste et urbaniste afin d’apporter toujours la réponse la plus adéquate au problème d’intégration de ses œuvres en milieu urbain.

Son style n’est à nul autre comparable, baroque, grandiloquent, fantasmatique, visionnaire et poétique. GAUDI caresse la lumière, la dompte, la canalise, elle glisse sur la céramique, rebondit sur les rondes bosses des façades, elle coule et s’entortille autour des piliers. Parmi ses œuvres principales figurent La Casa Vicens, le Palais Güell (du nom de son mécène et ami), la Casa Calvet, Bellesguard, la Casa Mila.

En 1883 il accepte de prendre en charge le projet de LA SAGRADA FAMILIA que le monde entier reconnaît aujourd’hui comme son œuvre majeure. A partir de 1915 et jusqu’à sa mort il consacrera l’essentielle de son temps à diriger ce chantier colossal. En 1910, à Paris, une exposition lui est consacrée au Grand Palais initiée par la Société Nationale des Beaux Arts et les critiques de la presse Parisienne lui sont alors louangeuses. Pour autant cette période n’est pas facile car il reste de santé très fragile. Sa sœur Rosa meurt en 1912, elle n’a alors que 36 ans. A la suite de la mort de ses proches il se réfugie dans un travail forcené et confie à ses collaborateurs : «  Mes meilleurs amis sont morts, je n’ai plus ni famille, ni clients. Je n’ai pas d’argent. Ainsi puis je me livrer tout entier à l’édification du Temple ».

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Les dernières années de sa vie sont effectivement dédiées à la « Cathédrales des Pauvres » et aux activités religieuses. En 1916 il prend des cours de chants grégoriens sous la conduite d’un moine Bénédictin. Très religieux il apparaît aux uns comme hautain et antipathique alors que ses rares amis le décrivent comme un homme affable et courtois, à la conversation agréable et fidèle en amitié. Qui croire ? Sans doute y a t’il en chacun de nous un Docteur Jekill et Mr Hyde qui cohabitent. Pour les uns il est l’intellectuel érudit et cultivé, compagnon agréable, tandis que pour les autres il apparaît comme un « calotin » acariâtre. « Miroir, mon beau miroir, dis moi donc à quoi je ressemble aujourd’hui ?». Tant il est facile de paraître aux yeux du monde pour autre que ce que nous sommes vraiment. Ils ont des yeux et n’y voit point et lorsqu’ils croient enfin discerner quelque chose, ils se trompent. Ainsi va le monde. Pour les idiots, le Sage passe pour être fou. GAUDI est différent, ses idées dérangent: il ne peut donc qu’être fou aux yeux des idiots qui l’entourent ! On brûle aisément ce que la veille nous avons encensé.

Le 7 juin 1926 alors qu’il se rend comme chaque jour à l’église San Felipe pour s’entretenir avec son confesseur, il est renversé par un tramway. Avec ses vêtements élimés, circulant sans papiers, on le prend pour un mendiant et personne ne lui prête secours jusqu’à ce qu’un garde civil hèle un taxi pour le conduire à l’hôpital de la Sainte Croix. Le jour qui suit son admission on le reconnaît enfin mais il est déjà trop tard pour lui prodiguer des soins. Ainsi meurt tristement – le 10 juin 1926 – à l’âge de 74 ans, ce Catalan passionné. Sa vie ne fut que Passion: pour sa terre natale d’abord, pour l’Architecture ensuite et pour la religion enfin.

Il existe très peu d’écrits du grand architecte Catalan. Qui plus est en 1936, durant la guerre civile Espagnole, la SAGRADA FAMILIA fut envahie et son atelier d’architecture pillé, des plans furent brûlés et des maquettes détruites. GAUDI est alors honni et sa mémoire oubliée jusqu’à son retour en grâce dans les années 1950 sous l’égide de DALI. En 1984 arrive enfin la consécration avec l’inscription, par l’UNESCO, de plusieurs de ses œuvres au Patrimoine de l’Humanité*, le préservant ainsi d’un injuste oubli. Le Vatican allant même jusqu’à instruire un processus en béatification…

Alors l’Ami que tu sois Fou ou Saint m’importe peu car tu as su laisser l’empreinte de ta géniale folie dans l’histoire chaotique de notre Monde. Ainsi heureux soient les croyants qui entrent dans le royaume de Dieu en franchissant la Porte de TA SAGRADA FAMILIA. Et heureux soient les incroyants qui malgré tout peuvent admirer l’œuvre de ta vie. Reposes en PAIX car tu as bien œuvré !

* « Les œuvres d’Antoni Gaudi représentent une contribution d’une création exceptionnelle et notable dans l’Histoire de l’Architecture et de la Construction de la fin du XIXème et du début du XXème siècles ». (déclaration de l’Unesco)

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2 thoughts on “ANTONI GAUDI, un architecte au pays de Don Quichotte

    1. Merci beaucoup à toi Carmen,

      Je n’ai malheureusement pas encore été visiter ce chef d’oeuvre qu’est la Sagrada Familia mais la prochaine fois que je descend à Barcarès je ferai un saut à Barcelone pour faire le plein de belles images. Merci à toi et Merci à Gaudi e viva Espana.

      Bien amicalement.
      Jissé

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