Paris murmure et gronde, Paris se barricade, et selon la citation de Beaumarchais, « Le mur murant Paris rend Paris murmurant » : Une ceinture de fortifications s’érige autour de la capitale tandis que débute le procès de Louis Napoléon Bonaparte qui, bientôt, est condamné à la prison à vie et enfermé au fort de Ham dans la Somme. Curieux jeu du destin qui voit à quelques mois d’intervalles tout à la fois voter l’érection du grandiose tombeau de Napoléon 1er aux Invalides et la condamnation à vie d’un prince du même sang. Le dernier roi des français Louis-Philippe d’Orléans est impopulaire, le petit peuple souffre : il a faim et crie sa colère. C’est le moment choisi par le petit Oscar-Claude Monet pour  faire son entrée dans le monde, le 14 novembre 1840, au pied de la butte Montmartre, qui est alors un vrai petit village de province – la basilique du Sacré Cœur ne sera édifiée que 30 ans plus tard !

Bientôt, il a cinq ans lorsque ses parents, Claude Adolphe Monet et Louise Justine Aubrée son épouse, notables parisiens en butte à quelques difficultés financières passagères, décident de partir vivre au Havre. C’est d’abord sa mère qui initie l’enfant au dessin. A dix ans il prend des cours au collège communal chez un ancien élève de David. Il adore faire des caricatures qu’il commence à vendre autour de lui pendant son adolescence. En 1857 sa mère adorée meurt. Monet en conçoit un immense chagrin, il se réfugie dans la peinture et le dessin sous les conseils avisés de sa tante (la demi-sœur de son père) qui est collectionneuse de peinture et artiste peintre amateur.

En 1858, il rencontre Eugène Boudin qui se prend d’affection pour lui, et lui transmet le goût de la peinture en plein air.

  • « Comprends-tu l’importance du vent sur la toile, du soleil qui glisse au bout de ta brosse, du chant de l’oiseau dans tes couleurs ? Au moins comprends-tu ce que je t’explique Claude ? »
  • « Veux-tu dire Eugène que le chant de la grive ou du merle, ou le trille du rossignol ont une incidence sur la peinture ? »
  • « Bien évidemment ! Tu as des oreilles pour entendre les bruits de la Nature qui nous environne. Ces bruits affectent tes émotions et tes pensées et donc ta peinture. Souviens-toi de ce que je te dis aujourd’hui car un jour futur ta peinture sera le reflet de tes impressions devant un lever de soleil ou une pie en hiver !».

Boudin conseille à Monet (comme la tante et le père de Claude) de rejoindre la Capitale pour entrer aux Beaux-Arts. Avec deux mille francs en poche – obtenus de la vente de ses caricatures – le jeune Monet monte à Paris et trouve un logement rue Pigalle. Là il fait la connaissance de Gustave Courbet, déjà célèbre, et se lie d’amitié avec le jeune Camille Pissarro. Contrairement aux souhaits de son père il renonce à tenter le concours d’entrée à l’Ecole des Beaux-Arts et préfère l’atelier de Charles Suisse sur l’île de la Cité où il peint d’après modèle.

Appelé pour faire un service militaire de deux ans en Algérie, il contracte la fièvre typhoïde et est rapatrié en Normandie. Il fait alors la connaissance de Johan Barthold Jongkind qui devient son mentor. Il retourne à Paris où il se lie d’amitié avec un petit groupe de peintres au nombre desquels figurent Sisley, Renoir et Frédéric Bazille qui devient son plus fidèle ami et avec lequel il peint en forêt près de Barbizon.

En 1865 il tombe amoureux de son modèle, la belle Camille Doncieux, avec qui il a un premier enfant. En 1868 le couple désargenté part pour Fécamp. Tandis que Camille s’affaire dans la petite maisonnette et prépare le déjeuner, Claude est sorti faire quelques croquis sur le port. Les trois mâts se pressent coque contre coque. Les bois grincent, Une brise légère fait un léger clapot à la surface de l’eau. Ce matin Claude va pousser sa promenade jusqu’au phare en empruntant la jetée. Tous les marins connaissent le « horsain » comme ils l’appellent entre eux c’est-à-dire « l’étranger »…

  • « Est point d’cheu nous ce gars là… C’est un horsain !»
  • « Est l’parisien qui loge chez la Marie avec sa dame et son ptio… »
  • « L’est ben gentil, c’est un artiste, on l’voit souvent au « bout menteux » avec ses crayons et ses couleurs ».

A ce stade du récit, laisse moi te parler un peu de Fécamp où jeune enfant  je passais mes vacances en famille dans ce port de la cote Normande qui fut longtemps le premier port avec le départ de fiers trois mâts pour la pêche à la morue au large de Terre Neuve. Mon cœur reste attaché à cette ville côtière. Fécamp et ses hautes falaises de craie blanche, Fécamp et son Palais de la Bénédictine où travaillaient mes cousins et cousines, Fécamp où jeune architecte j’ai réalisé ma première commande publique avec le tribunal d’instance et conseil des Prud’hommes dans la « rue des carrières », Fécamp et son musée municipale où trône – la poitrine constellée de médailles – le portrait barbu d’un grand oncle maternel Onésime Frebourg héro locale sauveteur en mer de 49 personnes. Fécamp et les ruines du château des Ducs de Normandie. Fécamp et son « bout menteux » (le coin des menteurs) où les vieux marins venaient racontés leurs aventures réelles ou inventées.

Mais revenons à Monet… L’année suivante il retourne peindre avec Renoir sur les bords de la Seine en donnant naissance au mouvement « impressionniste ». En 1870 il épouse Camille et se réfugie avec sa famille à Londres pour fuir la guerre alors que son infortuné ami Frédéric Bazille trouve la mort sur le champ de bataille. Chez nos voisins Anglais, il retrouve son ami Pissarro. Ensemble ils visitent les galeries pour admirer les peintures de Constable et Turner. Ils aiment flâner sur les bords de la Tamise, faire une balade jusqu’à la tour de Londres, admirer la haute silhouette de « Big Ben » et celle du Parlement qu’il peindra si souvent. C’est en visitant une galerie qu’il fait la connaissance du marchand d’art Paul Durand-Ruel qui va radicalement bouleverser sa carrière professionnelle et lui donner une dimension internationale.

Monet n’assistera pas aux obsèques de son père craignant d’être arrêté pour avoir « déserté » et part s’installer quelques mois aux Pays Bas, mère patrie de son ami Jongkind, mais la nostalgie de la France est plus grande que sa peur et Monet rentre à Paris. Avec l’héritage de son père et l’argent de son épouse il achète une maison sur les bords de Seine à Argenteuil. Sa situation financière s’améliore avec la commande d’une trentaine de toiles de Durand-Ruel qui toutefois connait, à son tour, une déconvenue financière qui l’amène a suspendre ses achats.

IMPRESSION SOLEIL LEVANT : En avril 1874 le petit groupe d’amis (sans Bazille malheureusement) se réunit dans l’atelier du photographe Félix Tournachon plus connu sous le pseudonyme de Nadar. C’est là que Monet expose pour la première fois son tableau qui donnera naissance – par dérision – au mot d’impressionnisme. Le succès de l’exposition n’est pas au rendez-vous et l’association des peintres est au bord de la faillite et doit se dissoudre. Mais l’aventure ne s’arrête pas là puisque le phénix renaît de ses cendres deux ans plus tard lors d’une seconde exposition dans la galerie de Durand Ruel. Les critiques sont moins virulentes, Monet y reçoit même quelques compliments. Dès lors une troisième exposition peut voir le jour et cette fois-ci le succès est au rendez-vous !

Camille donne naissance à un second enfant mais l’accouchement est difficile et sa santé périclite : elle meurt en 1879. Très affecté par cette disparition, Monet se fâche avec ses amis impressionnistes qui lui reprochent d’avoir changé le style de sa peinture.

Monet désormais veuf entretien une relation adultère avec Alice Hoschedé épouse d’un mécène ami à présent ruiné. Son « inconduite » fait scandale et Monet décide de s’éloigner de la capitale pour cacher ses frasques amoureuses à Giverny et y abriter sa « tribu » constituée de ses deux enfants et des six enfants qu’Alice a eut avec son époux Ernest. Après sept années de location il achète la « petite maison de paysan » en 1890. Il commence alors à peindre des « séries » – le parlement de Londres, la cathédrale de Rouen, les nymphéas – qu’il décline au gré des heures et des saisons. Il s’adonne de plus en plus au plaisir de jardiner et compose son jardin comme une immense toile.

La fin de sa vie est marquée par la mort d’Alice et par la maladie. D’abord la cataracte sur les deux yeux ce qui le gêne terriblement pour distinguer les couleurs et puis par un cancer du poumon héritage directe de sa manie irréfragable de fumer. Il s’éteint dans l’après midi du 5 décembre 1926 après 86 ans d’un labeur acharné.

Après des débuts difficiles il aura connu la célébrité et la fortune de son vivant. Grand collectionneur (comme Turner qu’il admire) Monet aura été l’ami des plus grands de son époque tels que Boudin, Pissaro, Courbet, Jongkind, Sisley, Rodin, Clémenceau, Bazille, Renoir, et bien d’autres…

EPILOGUE : Salut l’Ami, « artiste peintre et jardinier » tu as su mettre les chaudes vibrations de la Nature au bout de ton pinceau pour peindre la vie aux différentes heures du jour, au fil des saisons. Lorsqu’après la pluie nourricière apparait un arc en ciel, je suis sûr que c’est toi qui pose sur la toile du ciel infini tes couleurs pour nous enchanter encore. Sois en remercié !


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