C’est très bien de copier ce que l’on voit ; c’est beaucoup mieux de dessiner ce que l’on ne voit plus que dans sa mémoire”. (Edgard DEGAS)

Dessiner de mémoire est un exercice difficile qui nécessite un long (très long) apprentissage. Notre mémoire est sélective. Nous ne nous souvenons pas de tout, et notamment nous ne nous souvenons guère des détails qui pourtant font la vérité du dessin. Un dessin juste n’est pas juste un beau dessin, c’est un dessin qui exprime un sentiment, une émotion, la vie. Comment donner vie à un dessin ? La question est simple mais la réponse plus compliquée. Dessiner c’est écrire avec des formes, des taches, des traits et des points. Tout comme une écriture s’exprime par des pleins et des déliés, un dessin se traduit par des traits fins et épais. Il y a une ENORME différence entre une belle ligne dans un dessin technique (industriel ou d’architecture) et un dessin artistique. Une belle ligne, dans le premier cas (technique) devra être la plus régulière possible. On ne devra pas percevoir les raccords ou les reprises possibles, aucune surépaisseur. La ligne devra être fine et la plus “parfaite” possible quant à son tracé.

A contrario dans un dessin artistique la belle ligne devra être irrégulière comme les inflexions de la voix. Un conteur sait donner vie à son récit: Il pose la voix en introduisant des silences, ou en dramatisant le ton qui sera tantôt chuchoté, tantôt crié afin d’éviter la monotonie du texte qui engendre l’ennui chez les auditeurs. Il en va de même en dessin, si l’on veut capter le regard de l’observateur il faut le surprendre, lui donner à découvrir des frémissements sur la ligne. Elle sera discontinue, tantôt généreuse, épaisse, puis quelques centimètres plus loin fragile et ténue au point de se rompre et disparaitre pour réapparaitre l’instant d’après large et forte. Les trémolos dans la voix expriment une émotion que l’on traduit en dessin par une ligne tremblée expressive.

La mémoire est une activité biologique et psychique qui permet de stocker des informations pour les restituer plus tard à la demande. La mémoire peut prendre trois formes: auditive, visuelle et kinesthésique (mémoire gestuelle). C’est cette mémoire kinesthésique qui permet au danseur de se rappeler l’enchainement des pas et des figures de danse, ou au comédien ses déplacements sur scène. Le dessinateur possède lui aussi une mémoire gestuelle. J’ai déjà expliqué que les trois outils de l’artiste sont les yeux, le cerveau et la main. Les yeux observent, le cerveau analyse et la main restitue l’information sous la forme d’un dessin. Généralement le dessinateur fait appel à chacun de ces outils de façon séquentielle pour pouvoir dessiner. Toutefois, il est parfois utile de passer directement de l’œil au geste de la main sans faire intervenir le cerveau pour analyser. C’est le cas lorsque l’on veut reproduire un angle. Imaginons une maison avec sa toiture. La pente du toit fait un angle avec la verticale du mur pignon. Le bras tendu on tracera en l’air – plusieurs fois – l’angle ainsi formé, d’abord lentement en prenant bien conscience des directions suivies puis en répétant ce geste de plus en plus rapidement jusqu’à obtenir une forme d’automatisme. Cette gestuelle à pour but de programmer notre cerveau en faisant appel à la mémoire kinesthésique. Cette “programmation” effectuée, lorsque l’on posera son crayon sur la feuille de papier, la “mémoire de la main” retrouvera le chemin pour tracer l’angle de la toiture.

Maintenant comment dessiner de mémoire ? En pratiquant comme suit. Placez la composition que vous voulez dessiner devant vous. Installez votre chevalet en lui tournant le dos… Asseyez vous sur votre siège face à votre sujet, observez le en détail pendant une dizaine de minutes. Etudiez sa forme, sa couleur, la relation existant entre chaque élément. Si c’est un bouquet de fleurs, comptez les. Combien de roses ? combien d’autres fleurs y a t’il ? Comment s’organise le bouquet ? Les roses sont elles groupées ensemble ou éparpillées ? Qu’elle est leur couleur ? Le vase est il rond ? carré ? Plus grand, ou plus petit, que la masse du bouquet ? Si virtuellement vous tracez une verticale passant par le centre du vase, comment sont disposées les fleurs ? De part et d’autre de cette verticale ? D’un seul côté ?

Cette observation doit être ACTIVE… Il ne s’agit pas de rester neutre et passif devant son sujet mais actif et en pleine conscience de ce que l’on observe. Une fois le temps fixé écoulé, tournez le dos à votre sujet et commencez à le dessiner de mémoire jusqu’à ne plus pouvoir le faire… Lorsque vous bloquez sur votre dessin, retournez vous, faite une nouvelle observation pendant plusieurs minutes en commençant par l’endroit où vous vous êtes arrêté sur votre dessin. Imaginez vous entrain de le compléter. Mentalement suivez chaque fleurs du regard comme si vos yeux étaient le prolongement de votre crayon ou de votre pinceau. Puis de nouveau, retournez vous et complétez votre dessin jusqu’à complet achèvement. Maintenant si vous travaillez d’après photo c’est encore plus facile. L’observation faite, on retournera la photo face imprimée contre la table.

Avec de la pratique cet exercice deviendra familier. PLUS ON DESSINE DE MEMOIRE ET PLUS C’EST FACILE DE LE FAIRE. Alors, à vos marques, prêt ? Dessinez !

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