Ingénieur, Architecte et Soldat

En mai 1633 naissait à Saint-Léger-de-Foucherets, petit village du Morvan, Sébastien Le Prestre, homme remarquable qui fut l’ami du plus puissant monarque du siècle des lumières, avant de connaitre la disgrâce de ce roi ingrat qu’il avait pourtant servi avec tant de zèle et de loyauté. Soixante-quatorze ans plus tard, mourrait de chagrin le marquis de Vauban, Maréchal de France. Plus de trois cent dix ans après sa mort, saluons la mémoire de ce grand esprit, en dessinant à grands traits ce que fut cette vie toute entière dédiée à son roi et son pays.

Son père Urbain Le Prestre – petit gentilhomme désargenté – inculque à ses fils le respect des autres quelles que soient leurs origines. Homme simple et  modeste, malgré l’importance considérable de sa charge, sa vie durant Vauban ne se départira jamais de ces valeurs humaines, de respect et de compassion pour les plus humbles. Ce sera finalement sa bienveillance pour les pauvres et les petites gens, qui précipitera sa chute en provoquant l’ire des grands du royaume, en commençant par le premier d’entres eux !

A la mort de son père Louis XIII, Louis XIV devient roi de France, mais trop jeune pour gouverner, c’est Anne d’Autriche qui exerce la régence avec l’aide du Cardinal de Mazarin. Très vite, les Princes se liguent contre la régente et c’est le début de la “Fronde”, dont le Prince de Condé prend la tête en signant un accord avec les Espagnols.

Le jeune Sébastien a dix ans lorsqu’il perd ses parents. C’est un brave curé de campagne qui l’élèvera, lui et son frère, tant leur héritage est mince. Comme dans toutes les familles nobles de cette époque, les enfants males sont appelés à servir le royaume de France par l’épée ou le goupillon. A dix-huit ans, il rejoint les troupes du Duc de Condé en qualité de cadet dans la compagnie d’Arceney, tandis que son frère lui se destine à la prêtrise.

Bien que pauvres, l’honneur des “Le Prestre” est sauf, avec un garçon sous les drapeaux et l’autre à l’église. Le jeune Vauban avait reçu une instruction solide mais stricte au collège des carmélites de Semur-en-Auxois. Il disait de lui même, qu’il avait “une assez bonne teinture de mathématiques et de fortification, et par ailleurs ne dessinait pas mal”, ce qui lui vaut l’avantage de réparer les fortifications de Clermont-en-Argonne : il a tout juste dix neuf ans !

Quelques mois plus tard, sur le point d’être capturé par l’armée royale, il tient en joue le chef de la troupe et négocie avec lui, les conditions d’une reddition honorable. Cet épisode parvient aux oreilles de Mazarin, qui le convainc de se placer au service du roi, en faisant jouer en lui la fibre patriotique contre la “traitrise” du Prince de Condé rallié aux Espagnols, ennemis du royaume de France. Le cardinal lui enjoint de se placer sous les ordres du chevalier de Clerville, pour reprendre la ville de Sainte-Ménehould alors aux mains des insurgés.

La ville tombe et Vauban est nomme lieutenant au régiment d’infanterie de Bourgogne pour avoir “bien et fidèlement servi Sa Majesté et avoir bien conduit les sapes et les tranchées lors du siège”. Le Chevalier de Clerville le charge ensuite de réparer les brèches faites dans les défenses de la ville, pour éviter qu’elle ne retombe aux mains des Frondeurs. Vauban s’acquitte à merveille de cette nouvelle tache et se trouve promu capitaine l’année suivante (1654).

Tour Vauban à Saint Vaast La Hougue

Louis XIV, sacré roi de France dans la cathédrale de Reims, va engager son armée dans une lutte sans merci contre Condé et ses troupes dissidentes. Vauban participe au siège de nombreuses villes fortifiées et est blessé plusieurs fois. Il perfectionne les systèmes de défense et dirige lui-même, victorieusement, 53 sièges.

Sa renommée grandie et l’on dit de lui : “une ville construite par Vauban est une ville sauvée, une ville attaquée par Vauban est une ville perdue”. Le 3 mai 1655 il reçoit son brevet “d’ingénieur ordinaire” du Roi.

Le 25 mars 1660, il épouse Jeanne d’Osnay. La paix des Pyrénées signée avec l’Espagne et celle du Nord furent en partie acquises par les victoires auxquelles Vauban prit une bonne part. En 1675, le roi – qui admire sa vaillance et son esprit de fin stratège militaire – pour le remercier de la victoire de Maastricht, lui offre une large dotation afin qu’il puisse s’acheter la demeure de ses rêves : le château de Bazoches (près de Vézelay). Ce superbe château – qui a ouvert au public depuis 1997 – est, aujourd’hui encore, propriété des héritiers du Marquis de Vauban. C’est de cet endroit que furent conçus les plans des places fortes: Bazoches fut à la fois sa demeure familiale, mais aussi et surtout, son bureau d’étude et son cabinet d’architecte.

De la partaient, à travers tout le pays, ses instructions et ses ordres relayés par des estafettes jusqu’a leur point de destination. En 1678, le voila “commissaire général des fortifications”. Inlassablement, il parcourt les routes du royaume de France afin de renforcer ses frontières naturelles par une “ceinture de fer” qui protège le “pré carré du Roi”. Au total, ce seraient près de 300 villes pour lesquelles il aurait renforcé les défenses avec pas moins de 37 créations “ex-nihilo” (ports et forteresses).

En humaniste soucieux de son prochain, (et notamment des plus pauvres) lors de ses nombreux déplacements, il s’informe sur les conditions de vie de chacun. Voici ce qu’écrit Saint Simon à ce sujet : “Jamais homme plus doux, plus compatissant, plus obligeant, mais respectueux sans nulle politesse, et le plus avare ménager de la vie des hommes, avec une valeur qui prenait tout sur soi et donnait tout aux autres”. Et encore : « Patriote comme il l’était, il avait toute sa vie été touché par la misère du peuple et de toutes les vexations qu’il souffrait. La connaissance que ses emplois lui donnaient de la nécessité des dépenses, et du peu d’espérance que le roi fut pour retrancher celles de splendeur et d’amusements, le faisait gémir de ne voir point de remède à un accablement qui augmentait son poids de jour en jour. Dans cet esprit il ne fît point de voyages (et il traversait souvent le royaume de tous les biais) qu’il ne prit partout des informations exactes sur la valeur et le produit des terres, sur la sorte de commerce et d’industrie des provinces et des villes, sur la nature et l’imposition des levées, sur la manière de les percevoir. Non content de ce qu’il pouvait voir et faire par lui-même, il envoya secrètement partout ou il ne pouvait allez et même ou il avait été et ou il devait aller, pour être instruit de tout, et comparer les rapports avec ce qu’il aurait connu par lui-même. Les vingt dernières années de sa vie au moins furent employées à ces recherches auxquelles il dépensât beaucoup ».

Fortin de l'île de Tatihou (St Vaast La Hougue)

Esprit infatigable, il s’intéresse à tout. Le militaire connait les problèmes de ravitaillement des troupes et l’urbaniste en conçoit des idées nouvelles pour la création des routes, des ponts, des digues et des canaux. Les problèmes d’alimentation en eau des villes et leur assainissement par un réseau d’égouts, lui sont connus. L’ingénieur hydraulicien construit l’aqueduc de Maintenon afin d’alimenter en eau le parc de Versailles et participe à la réalisation du canal des Deux-Mers (Canal du Midi). Le mathématicien étudie la démographie et conçoit des formulaires pour le recensement des populations. Mais ce qui le préoccupe le plus – un siècle avant la prise de la Bastille  et la chute des Bourbons – ce sont les inégalités sociales qu’il côtoie et dont il veut se faire l’écho auprès du roi. L’économiste, en avance de trois siècles sur son temps, souhaitait la création d’une monnaie européenne unique.

Esprit libre et tolérant, il réclame, en l689, la liberté de conscience pour les huguenots avec l’abrogation de la révocation de l’édit de Nantes signée par le roi (édit de Fontainebleau). Mais bientôt voici que la coupe est pleine pour le despotique monarque, avec la publication d’un nouvel écrit prônant une juste répartition des richesses par un impôt proportionnel, frappant les plus grosses fortunes tout en soulageant la misère du pauvre peuple. Son titre de Maréchal de France, octroyé le l4 janvier 1703, après une vie entière consacrée au service de “sa Majesté”, ne le met pas à l’ abri de la colère des grands du royaume et des foudres du Roi Soleil. Sa disgrâce est certaine et par décision de justice en date du 14 février 1707, son “projet d’une dime royale” est interdit et saisi.

Le vieux savant, ami des hommes, se consume de chagrin en apprenant cette terrible nouvelle. Lui qui rêvait d’un monde plus juste et plus fraternel doit se rendre à l’évidence: les temps ne sont pas encore venus !

Affaibli par toutes ces années d’errance sur les routes de France (il a parcouru plus de I80 000 kilomètres ce qui est absolument considérable pour l’époque) et souffrant d’une fluxion de poitrine, c’est en sa maison de Paris « qu’il rendra sa belle âme à Dieu », le 30 mars de la même année. Le roi en apprenant son décès dira son chagrin d’avoir perdu en lui un ami et un homme de valeur “attaché à sa personne et à l’Etat”. Son corps repose en l’église de Bazoches, mais en 1808 son cœur, à la demande de Napoléon 1er“, fut rapatrié à l’hôtel des Invalides.

Les hommes passent, mais la gloire de leur nom reste éternellement attachée aux œuvres qu’ils accomplissent leur vie durant. Vauban, comme Napoléon, ont marqué durablement l’Histoire du pays de France qui sans eux n’aurait jamais été ce qu’il est aujourd’hui : une terre de Liberté. Qu’ils reposent donc en paix, mais demeurent éternellement vivants en la mémoire des Français !

© TEXTE & PHOTOS J-C. BRAULT 
titulaire du diplôme d’Architecte DPLG

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