Voilà un sujet qui peut faire polémique chez quelques artistes et c’est tant mieux si cela permet à quelques uns d’avoir le « déclic » pour changer un petit quelque chose dans leur travail… Dans les groupes de dessin et peinture sur les réseaux sociaux, je vois d’excellents techniciens qui font des dessins remarquables mais qui me laisse de marbre… Pourquoi ? Parce que je n’éprouve aucune émotion devant leurs œuvres. Certes ils sont sûrement techniquement bien meilleurs que je ne le suis car je ne travaille pas assez ma technique mais leurs œuvres sont dépourvues de ce supplément d’âme qui m’est nécessaire pour les apprécier.
Les mangas sont à la mode, comme en son temps le fut l’hyper réalisme photographique. J’ai une question simple que pourtant l’artiste hyper réaliste ne se pose pas ; « Quelle émotion supplémentaire son travail apporte t’il par rapport à la photographie » ? Je ne doute pas que les émotions qu’il a éprouvé au moment de la réalisation de son dessin furent nombreuses, comme la peur de l’échec, comme devoir se surpasser pour atteindre la perfection technique, comme la joie d’avoir réussi ou la peine d’avoir raté… Oui tout cela je le comprends par empathie avec l’artiste mais au final que reste-t-il de toutes ces émotions une fois l’œuvre achevée ? Elle est là devant nous, nous sommes étonnés, peut être subjugués par cette prouesse technique et stylistique qui fait que l’on ne distingue plus l’original (la photographie) de la « copie » (le dessin ou la peinture)… D’accord mais précisément si j’ignore qu’il s’agit d’une peinture ou d’un dessin qu’elle émotion supplémentaire véhicule cette œuvre par rapport à une photographie ? Pour moi… Aucune ! J’aurais le même ressenti devant la photo qui aura servie de modèle au peintre car je n’oublie pas que la photographie est un art et que le photographe est lui-même un artiste…
So what ? Comme disent nos amis Anglais… Si je te cite en « vrac » (oh la vilaine expression pour parler d’artistes) Amédéo Modigliani, Marc Chagall, Bernard Buffet, Pablo Picasso, Rembrandt, Vermeer, Dali, Tamara de Lempicka, Albrecht Dürer, ou Léonard de Vinci pour ne citer que quelques uns, je pense que tu as confusément des images mentales ou le souvenir de certaines de leurs œuvres comme la « Mona Lisa » ou la « jeune fille à la perle », comme le « Lièvre » de Dürer ou la « Ronde de nuit » de Rembrandt, ou la sulfureuse « origine du monde » de Gustave Courbet. Bref on ne peut pas confondre Michel-Ange avec Le Caravage ou Vincent Van Gogh avec Paul Gauguin. Et cependant, de nos jours, rien ne distingue deux peintres hyper réalistes d’une photographie… Et c’est là pour moi que se situe « le nœud du problème » si problème il y a… Je pourrais dire la même chose des copies de mangas – et même de toute copie – car entre deux copies d’un même dessin (si la copie est fidèle à l’original) comment distinguer l’une de l’autre ?
MAIS JAMAIS UNE FIN EN SOI !…»
Je sais que « toujours » et « jamais » n’existent pas en Art cependant je peux affirmer, sans crainte de me tromper, que la copie sert à familiariser le geste du copiste avec celui d’un Maître afin de comprendre comment traduire un regard, une chevelure, une attitude. C’est grâce à toutes ses études que peu à peu chacun acquiert son propre « vocabulaire artistique ». Aujourd’hui je peux dessiner ou peindre un portrait sans me référer aux Maîtres du passé. Toutefois, si au préalable, je n’avais pas copié ces anciens artistes je ne suis pas certain que mon dessin serait ce qu’il est à présent…
Pour prendre une analogie, on ne peut pas parler correctement une langue étrangère sans connaître un minimum de vocabulaire, de la même façon il me semble impossible d’exprimer quelque chose en peinture ou en dessin sans une bonne culture de l’Histoire de l’Art. On n’invente rien de nouveau, on redécouvre constamment.
Les neuf années passées aux cotés de l’auteur de « peindre avec ses sentiments » m’ont fait comprendre l’importance des émotions en peinture ou en dessin. Un dessin ou une peinture sont des tranches de vie que l’on offre en partage autour de soi. Lorsque l’on invite des convives à sa table on veut leur faire honneur en choisissant le meilleur que l’on puisse servir à ses amis. Si un plat est raté – trop cuit ou pas assez – on essaye de rattraper le coup comme on peut quitte à se rabattre, en dernière minute, sur une sortie au restaurant. Un artiste fait la même chose, il a à cœur de montrer le meilleur de ses œuvres et ne pas exposer tous ses « loupés » car même les meilleurs peuvent faire des ratures ou des taches… C’est l’expérience qui fait la différence et qui permet de corriger ses erreurs, de tirer parti d’une tache pour la transformer et la sublimer.
L’émotion ne passe pas obligatoirement par la perfection du trait. Un trait tremblé, fragile pourra transmettre plus d’émotions qu’un trait net, bien dessiné et assuré. Tout dépend de ce que l’on veut exprimer. En peinture le choix des couleurs doit être cohérent avec le sujet que l’on traite. Pour donner une impression de tristesse ou de temps pluvieux on se gardera bien d’utiliser des couleurs « flashies ». Inversement l’emploi de couleurs « rabattues » ne donnera jamais l’impression d’une belle journée ensoleillée.
Comment mettre des émotions dans ton dessin ? Dans un paysage ? Dans un portrait ? Dans une nature morte ? Chaque sujet répond à des impératifs particuliers. Pour un portrait l’essentiel passe par le regard… Celui d’un enfant sera vif tandis que celui d’un vieillard sera éteint… Evidemment il existe d’extraordinaires jeunes personnes de quatre-vingt ans au regard vif et malicieux comme les yeux bleus et pétillants de Jean d’Ormesson ou des enfants au regard éteint comme celui des enfants de la guerre.
Croquis rapide d’après une photo libre de droit trouvée sur Pixabay
Si tu veux dire la fragilité de l’être et de la vie alors il te faudra peut-être composer avec la réalité car en peinture il ne s’agit pas de montrer mais donner à voir ! Si je montre je ne fais que restituer la banalité du quotidien sur ma toile ou ma feuille de papier, tandis que si « je donne à voir » c’est une partie de mon imaginaire que j’offre en rêve à celle ou celui qui regarde. Partager du rêve et donner du bonheur aux autres n’est-ce pas la « mission » de tout artiste ?
Dans un paysage tu peux jouer sur le cadrage – plan large qui te donne un sentiment de liberté et d’évasion ou plan serré qui te fait pénétrer dans la scène. Si tu peins un arbre, choisi le tordu, avec une écorce rugueuse, une branche cassée pour traduire les accidents de la vie… Pense que cet arbre a dû se battre pour pousser et trouver sa lumière. Il a résisté et lutté contre les bourrasques de vents qui mille fois ont failli le faire basculer « racines par-dessus tête ». Il a plié sous le poids de la neige et son cœur a subi les attaques des insectes xylophages. Il a souffert… et on doit sentir au bout de ton crayon ton empathie pour ton sujet.
Dans une nature morte, une tasse ébréchée aura plus d’éclat qu’une tasse neuve disposée sur les rayons bien rangés de la boutique de porcelaine. L’émotion ne réside pas dans le sujet lui-même mais dans la façon de le montrer ! Soigne la mise en scène de tes effets avec les éclairages. Chéri toutes les petites imperfections de ton sujet car la vie est souvent imparfaite et ce seront toutes les petites imperfections que tu déposeras – avec amour du bout de ton crayon ou de ton pinceau – sur ta toile ou ton papier qui donneront vie à ton œuvre !
Autorise-toi à ne pas être parfait dans ton dessin mais sois vrai, sincère et honnête dans ta démarche… Car c’est dans l’encre de ton cœur que tu tremperas ta plume pour écrire et ton pinceau pour peindre et c’est ce qui touchera les personnes qui regarderont tes œuvres. Si cet article a fait naître quelques émotions en toi alors partage le avec tes ami(e)s. Pour eux je t’en remercie.
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Superbe ta repro de la photo Pixabay, très intéressant ça m’a fait cliqué sur l’article du coup ! même si pour l’instant le dessin et moi nous ne sommes pas comme les deux doigts de la main (croyance limitante que je suis nulle en dessin merci le collège) !
Bonjour Ma Carine,
Akismet est un vilain garçon il t’avait mise dans les spams… Heureusement que je jette un œil avant d’effacer les spams… Je plaisante mais heureusement qu’il fait bien son travail car il a quand même bloqué presque 4000 commentaires indésirables…
MERCI pour ton gentil commentaire mais PERSONNE N’EST NUL EN DESSIN… A partir du moment où tu sais écrire avec un stylo, un crayon ou n’importe quoi qui laisse une trace sur le papier tu sais dessiner… C’est à dire que tu sais contrôler les mouvements de la plume sur le papier. Après ce n’est qu’une question de temps pour acquérir les bases du dessin et exercer ton œil aux justes proportions.
Bisous ma belle Amie.