Bonjour, je suis heureux de te retrouver une fois encore fidèle au poste et d’emblée je voudrais te poser une devinette si tu le veux bien. Pourrais-tu me donner le point commun entre tous ces artistes peintres des différentes époques de l’Histoire de la Peinture ?

– Rembrandt – Albrecht Durer – Picasso – Courbet – Vinci – Dali – Raphaël – Titien – Goya – Degas – Tamara de Lempicka – Vincent Van Gogh – Madame Vigier Lebrun – Hooper

Une idée ? Je vais t’aider… Ils ont tous réalisé des portraits et plus spécialement ils ont tous fait un AUTOPORTRAIT. Pour Dûrer il se peint comme un jeune Christ charismatique, Courbet en peintre halluciné contemplant le reflet de son image que lui renvoie son miroir, pour Vincent c’est l’homme à la pipe avec l’oreille coupée et Picasso “torture” son image façon cubiste. Je ne connais pas un portraitiste qui n’ait un jour peint sa propre image. Pourquoi ? J’y vois plusieurs raisons.

Premièrement, dans le passé il s’agissait probablement de laisser une trace de leur passage sur cette terre. Certes la trace existait déjà de part leurs œuvres mais n’y a t’il pas là un paradoxe à laisser maints et maints tableaux sans que l’on sache à quoi ressemble leur auteur ? Aujourd’hui nous avons les selfies, le cinéma, les vidéos Youtube pour que le monde puisse savoir qui nous sommes et à quoi nous ressemblons mais avant la photo, avant les Frères Lumière, avant Nadar (Félix Tournachon de son vrai nom), avant Nicéphore Niepce il n’y avait que la peinture et le dessin pour immortaliser les traits des artistes qui ont portraiturés les plus grands personnages de leur époque.

En second lieu le portrait et l’autoportrait sont d’abord des témoignages d’une époque. Lorsque le pastelliste Maurice Quentin de La Tour réalise son superbe autoportrait aux pastels secs il témoigne du raffinement des Arts à son époque (le 18ème siècle) qui est avant tout dans le paraitre – du moins pour les gens de la Cour. Perruque poudrée, fond de teint, mouches au coin de la bouche nommée “baisez-moi” (signifiantembrassez-moi” à l’époque) sont autant d’invitations galantes. Les temps sont difficiles pour les petites gens, cela n’a guère changé depuis des siècles, mais les nobles qui se pressent autour du Roi sont frivoles, ils tuent le temps au jeu, au duel, à faire la “bagatelle” – expression qui vient du rendez-vous galant de Bagatelle construit pour abriter les amours du Comte d’Artois – “…. dans l’après midi à Bagatelle chez la maréchale d’Estrées, on passe joyeusement le temps, on y fait l’amour, si vous voulez; tout est bien réglé ” (mémoire du Comte d’Argenson 1739).

Les portraits ressemblants de Mac-Avoy ou ceux de Picasso font écho à notre ère troublée de la post-industrialisation et de la robotique. L’homme est un produit de consommation – une “variable d’ajustement” pour les financiers qui jouent à la hausse ou à la baisse les valeurs boursières du CAC 40 sans aucun état d’âme sur les drames humains qui se jouent lors de la fermeture d’une usine. “C’est la vie” haussent ils les épaules en empochant les dividendes, c’est la mort pour les faibles et les sans grades. Triste constat du peintre qui dresse le portrait de son temps.

Troisièmement, le portrait est une discipline, presque une “ascèse” car il exige un stricte sens de l’observation, une précision dans la restitution des traits qui oblige à une grande concentration. Le portrait est une école, un enseignement du dessin à lui seul. Il faut être rigoureux, méthodique, concentré mais aussi fantaisiste, savoir lâcher prise, rester “zen” et faire preuve d’humilité. Je sais que je ne sais pas tout, que j’ai des limites techniques et le dessin de portrait m’oblige à repousser ces limites. Faut-il comme beaucoup aller jusqu’au portrait photographique ? Si c’est ce qui te fait vibrer et te donne du plaisir alors je te réponds par l’affirmative MAIS personnellement je n’aime pas ces portraits techniquement parfaits mais qui n’apportent aucun supplément d’âme par rapport à la photo. Alors où est l’intérêt ? Se chalenger soi-même me semble être le seul et unique intérêt ce qui n’est déjà pas si mal mais une fois cela réalisé – c’est moi qui l’ait fait – cela laisse place à une profonde insatisfaction personnelle. OK YES YOU CAN comme tous ceux qui font du dessin hyper-réaliste MAIS où est ta “trace personnelle”, ce qui fait que c’est toi et pas un autre ? RIEN, NADA, QUE DALLE… Pas la moindre “folie” dans cette “précision chirurgicale”. Quel dommage ! Bien évidemment tu as le droit de me contredire sur ce point car ce n’est que mon opinion personnelle, qui reste subjective et n’a pas valeur de vérité absolue… Vérité en-deçà, erreur au-delà !

Quatrièmement, lorsque l’artiste ne dispose pas de modèle pour poser pour lui (souvent faute d’argent) il lui reste la possibilité de se peindre lui même. Cela ne lui demande pas plus d’efforts que de demander à un ami, un proche ou un(e) inconnu(e) de poser pour lui, c’est même beaucoup plus simple puisque le “modèle” est disponible au moment choisi par l’artiste pour réaliser le portrait. Il n’y a en cela aucun délai entre le moment du désir de faire et le passage à l’acte. Tu veux faire ton portrait ? OK vas-y fais le. Difficile de faire plus directe comme approche. Pas de refus, pas d’hésitation, juste l’envie de faire suivie du “faire”. Pour l’artiste peintre ou le dessinateur avec l’autoportrait, le désir et l’envie de faire un portrait se confondent avec l’immédiateté de la mise en œuvre et de sa réalisation. Je veux faire alors je fais, ce qui est rarement possible avec tout autre portrait.

LES OUTILS

– Les crayons: Ma préférence va aux crayons tendres 2B ou 4B voire 6B pour des noirs profonds.

– Les feutres à l’encre de Chine noire pointe fine

– Les isographs et rapidographs ROTRING ou FABER CASTELL

– Les stylos à bille

Le papier blanc ou couleur 90 grammes pour un dessin au crayon sans lavis, jusqu’à 300 grammes et plus pour des portraits réalisés à l’aquarelle.

Le téléphone portable ou la tablette numérique: Aujourd’hui les selfies sont devenus choses courantes. Tout le monde un jour ou l’autre à fixé sa “trombine” dans la mémoire de son portable ou de sa tablette. Cet outil est BEAUCOUP plus facile que le miroir car il fige l’image qui ne va pas se dérober à notre observation.

Le miroir: De loin le plus complexe à maitriser car bien évidemment ton reflet va bouger chaque fois que tu vas faire un mouvement pour t’observer de plus près… contrairement à la tablette qui est un miroir numérique et électronique qui va sagement prendre la pose pour te permettre de l’étudier sous toutes les coutures (je ne fait pas référence ici à la chirurgie esthétique Clignement d'œil).

LES DIFFERENTES TECHNIQUES POSSIBLES:

Le “crobard” ou croquis rapide à main levée: Pour cela je préfère les feutres pointe fine ou pourquoi pas le stylo bille car l’erreur n’est pas permise donc il faut aller à l’essentiel du portrait. Il doit ressembler sans que cela soit parfait puisqu’il s’agit d’une esquisse rapide destinée à fixer les traits généraux et prendre conscience des difficultés du portrait à réaliser. Tu remarqueras que je fais assez régulièrement la même erreur… J’ai un œil plus petit que l’autre – OK no problem – MAIS je dessine aussi un verre de lunettes plus petit que l’autre ce qui n’est pas logique car à ce moment là je ne suis pas dans l’analyse ou la logique de mon dessin mais je me laisse dessiner… Les erreurs font partie de la “personnalité” de l’autoportrait, c’est la perception immédiate de toi même, la façon dont tu te vois spontanément !

Le dessin d’études: Il est l’étape suivante plus aboutie que le croquis rapide sans pour autant atteindre le réalisme ou la qualité d’un dessin fini. Sur ce portrait on prend des mesures afin de déterminer avec précision la position des yeux, du nez et de la bouche par rapport à l’ensemble du visage. Cette étude est primordiale lorsque l’on veut faire un portrait ressemblant plus abouti. Il est possible de dessiner sans prise de mesure mais pas avant d’avoir longtemps formé son regard à l’observation critique. Pour cela il faut répondre à un certain nombre de questions muettes du style : Le nez est il droit ou légèrement de travers ? Les yeux sont ils identiques ? Y a t’il un pli sur le front entre les sourcils ? Les lèvres sont elles fines ou épaisses ? La bouche est elle droite ou oblique ? Le visage est il rond ou creux ? etc… En fait ces questions tu ne te les pose pas mais la réponse vient sous ton crayon qui dessine et trace les rides, les expressions du visage, le nez droit ou de travers et l’œil plus petit que l’autre. Cela doit être un “réflexe” naturel !

Le dessin fini: Celui là est l’étape finale, le dessin est “chiadé” c’est à dire qu’il représente une meilleure qualité que les étapes précédentes. Un tel dessin peut se suffire à lui-même ou servir d’avant dernière étape avant le passage à la couleur au pastel, à l’aquarelle, à l’huile ou à l’acrylique sur une toile tendue sur un châssis.

L’œuvre finale peut revêtir divers aspects comme un pastel, une aquarelle, une technique mixte, une peinture sur toile à l’huile ou à l’acrylique. La taille finale de l’oeuvre n’a que peut d’importance. Personnellement je préfère une oeuvre réussie de petites dimensions qu’un grand tableau raté… Toutefois la mode du Street Art fait que les œuvres de grandes tailles ont plus de succès que les petits tableaux parce que l’impacte visuel est plus fort ! Commence petit et progressivement travaille sur des formats plus importants car il est plus facile de maîtriser un petit format qu’un “format XXL“.

QUELQUES CONSEILS POUR T’AIDER:

La perfection n’existe pas mais cela ne t’empêche pas de la chercher. Pour autant ne te décourage pas, car rien de grand ou de beau ne se fait sans passion mais ce n’est pas parce que tu met tout ton cœur à l’ouvrage que tu vas automatiquement réussir. Chez les professionnels il y a aussi des jours “sans” mais la différence avec toi c’est qu’ils ont appris à gérer leurs “échecs” pour en faire une force. Il n’y a jamais d’échec pour celui qui apprend de ses erreurs car alors l’échec devient une leçon !

A l’imitation de BOILEAU cent fois sur le métier remettez votre ouvrage, polissez le sans cesse et le repolissez…”. C’est en multipliant les essais que tu approcheras de la réussite. Un vieux dicton dit aussi “c’est en forgeant que l’on devient forgeron”, c’est donc en dessinant que l’on apprend à dessiner: Ne te contente pas du premier essai, ni du second, car le troisième sera meilleur encore !

Ne cache pas tes imperfections physiques car elles sont le reflet de ton âme. Si tu gommes toutes tes petites rides, tes taches, tes petits boutons tu risques de ne plus te reconnaitre et les autres non plus. Vois toi tel que tu es, sans fard ni artifice, et le portrait sera ressemblant. J’ai par exemple un œil plus petit que l’autre et alors ou est le problème ? Si je dessine deux yeux identiques cela ne sera pas moi: Vive la différence Clignement d'œil

Si tu es timide, ne te cache pas derrière ton dessin, assume qui tu es et ton dessin deviendra ton armure de chevalier, ton bouclier, ta force. Crois-moi je suis passé par là ! Si aujourd’hui j’ose montrer mes dessins sur le net, sache que cela n’a pas toujours été ainsi. J’ai mis très – vraiment très – longtemps avant de pouvoir accepter le regard critique des autres. Qu’est-ce que tu risques ? Les moqueurs ne sont pas généralement les meilleurs et les meilleurs eux ne te moqueront pas ! KEEP COOL la Terre ne va pas s’arrêter de tourner – du moins pas à cause de Toi et de tes dessins – alors relax Max… Dessine, fais toi plaisir et ne t’occupe pas des critiques méchantes car elles ne nuisent qu’à leurs auteurs.

A l’inverse ne te prends pas trop au sérieux, le dessin est chose sérieuse mais ne doit pas restez la chose des gens trop sérieux: Pratique l’autodérision car cela reste encore la meilleure parade contre les attaques personnelles. Si tu te moques gentiment de toi même tu coupes l’herbe sous le pied à ceux qui avaient l’intention de rire de toi ! Là aussi je pratique car autodérision et autoportrait sont les deux faces de la même médaille. La beauté réside dans la vérité du portrait et être vrai c’est aussi savoir rire de nous-même et de nos petites imperfections ! Ce qui naturellement m’amènera un jour à parler de la caricature…

Un dernier détail… L’autoportrait est le seul et unique portrait pour lequel tu es sûr de ne pas te fâcher avec ton modèle au cas où il ne serait pas ressemblant. Alors es tu prêt à tenter l’expérience à ton tour ? Tu verras c’est plus sympa et plus “fun” qu’un banal selfie !


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