La naissance de Rembrandt – à Leyde en 1606 – coïncide peu ou prou avec une ère nouvelle de prospérité pour la Hollande, qui rapidement se libère du joug de l’Espagne occupante. Tout comme Venise, sa belle rivale du sud, Amsterdam tire sa puissance économique du commerce maritime.
Les dons, pour la peinture et le dessin, du jeune prodige s’affirment rapidement et bien qu’admis a l’Université, il préfère faire son apprentissage dans l’atelier de quelques artistes confirmés. A dix-neuf ans, il entame sa carrière professionnelle.
Très vite, sa renommée de portraitiste va grandissante et lui vaut une première commande de la guilde des chirurgiens d’Amsterdam. ll part donc s’installer dans cette ville ou il restera jusqu’à sa mort.
Peu à peu les commandes affluent. Bientôt une cinquantaine d’artistes fréquente assidument son Atelier. Le Maitre n’a alors que vingt-deux ans, mais son talent lui vaut déjà l’admiration de tous ses élèves. Les habitudes de l’époque ne facilitent pas la tache des historiens et experts actuels. Il n’est alors, en effet pas rare, qu’un chef d’Atelier s’attribue la paternité d’œuvres réalisées par de talentueux disciples qui plagient son art avec son aval et sous son contrôle. Rembrandt n’échappe pas à cette règle. Il encourage certains, parmi les plus talentueux de ses élèves, a copier son style. Le clair-obscur est alors très prisé et se vend bien. Les élèves ne sont pas autorisés à signer les œuvres conçues à 1’Ate1ier, Rembrandt a ainsi tout loisir d’apposer sa signature et percevoir des “royalties” sur les ventes des tableaux réalisés à la manière de”.
Le 22 juin 1634, il épouse Saskia Uylenburg cousine d’Hendrick Uylenburg, peintre et négociant en Art, chez qui Rembrandt avait séjourné quelques années auparavant. Comme un bonheur n’arrive jamais seul, la Guilde de saint Luc lui ouvre ses portes. Désormais Rembrandt fait figure de notable.
Par sa rareté, toute œuvre originale ne s’adresse qu’a un nombre restreint d’esthètes fortunés, alors que les reproductions (eaux-fortes, sérigraphies, lithographies) par leur multiplicité permettent à un plus grand nombre d’amateurs d’accrocher une œuvre d’Art aux murs de leur salon. Tout comme Albrecht Dürer l’avait fait avant lui, Rembrandt construit sa notoriété – pour une bonne part – grâce a la large diffusion de ses images gravées. En virtuose, le burin de l’artiste cisèle la plaque de cuivre que viendra ensuite mordre l’acide. Avec Rembrandt la gravure connait un nouvel essor.
Amsterdam s’enrichit et cette prospérité profite aussi aux artistes locaux. Les notables et grands bourgeois de la ville acquièrent des œuvres pour orner leurs riches demeures.
Ils passent également commande d’immenses portraits pour immortaliser leurs traits aux yeux des générations futures. Portraitiste au talent reconnu, Rembrandt s’enrichit. C’est également un collectionneur au goût très sur : Titien, Michel Ange Buonarroti, Jacques Callot, Mantegna, Cranach, Holbein, Pieter Brueghel, Van Dick ou Rubens figurent au nombre de ses collections ! En 1639 il emménage dans une somptueuse demeure, l’actuelle Rembrandthuis (aujourd’hui transformée en musée).
Deux ans plus tard son fils Titus voit le jour, c’est aussi à cette même époque qu’il entreprend de peindre la célèbre œuvre plus connue sous le nom de la “ronde de nuit”. Au premier rang, la figure centrale du tableau, représente le capitaine Cocq tout de noir vêtu, il avance à la tète de sa petite troupe tout en devisant chemin faisant. En arrière se trouvent plusieurs personnages au nombre desquels figure un porte-étendard. Maintenant si l’on prête davantage attention au fond du tableau, au-dessus de l’épaule gauche du porte-étendard, tapis dans la pénombre on distingue un petit homme coiffé d’un bonnet et dont l’œil rond et le nez sont seuls perceptibles (flèche jaune)… Ce curieux personnage qui observe l’action à la dérobée, c’est Rembrandt qui se met en scène comme le fera bien plus tard un certain Alfred Hitchcock dans ses films. Il est l’œil qui nous observe entrain d’admirer son œuvre: JE TE VOIS !
Peindre c’est rendre éternellement vivant ce qui a cessé de l’être, c’est deviner cc qui est caché au-delà des apparences. Le peintre ne représente pas l’âme humaine ; il la capture du bout de son pinceau et la restitue sur la toile. Rembrandt est passé Maitre en cet Art ! Dans ses nombreux autoportraits, Rembrandt joue avec le spectateur. Le voila tour à tour boudeur, rieur, moqueur (mais de qui se moque t’il ?..), pensif, rêveur, insouciant ou tout au contraire sérieux et inquiet. ll ne cache rien de ses divers états d’âme et nous invite à les partager, à entrer dans son intimité. L’Artiste ne farde pas la réalité derrière les faux-semblants d’un académisme de conventions : il est lui-même dans sa simple vérité et se révèle ainsi à nous-mêmes. Ce n’est pas lui que nous avons en face de nous mais le reflet de notre propre image, c’est notre destinée faite homme.
Cet adolescent un peu fou, le cheveu ébouriffé et la moue moqueuse, c’est la part de l’enfant qui est en chacun de nous qu’il fixe sur la toile. Avec “l’autoportrait du Louvre” ce vieillard désabusé coiffé de son éternel bonnet pose un regard interrogateur sur nous-mêmes. “Qu’as-tu fait de ta vie ?” semble être la muette question posée au bord de ces lèvres mi-closes… Rembrandt se joue des convenances, il sait la réalité des choses.
“Je sais qui tu es parce que je te connais mieux que toi-même. J’ai vu tant d’hommes défiler devant mon chevalet. Je connais les tréfonds de l’âme humaine car pour moi elle n’a plus aucun secret… Mes pinceaux m’ont apporté la richesse mais la vie m’a presque ruiné. J’ai côtoyé les plus grands mais j’ai aussi représenté les humbles et les pauvres. La foule des anonymes qui se pressent – en une longue cohorte muette – dans mon œuvre témoigne de mon intérêt pour mes frères humains”.
A trente-trois ans l’artiste est au sommet de sa gloire. Tout semble lui sourire mais voila que déjà l’ombre des mauvais jours s’approche pour ternir la face lumineuse de cette vie heureuse. Saskia meurt en 1642, laissant Rembrandt désemparé avec un bébé encore vagissant, il embauche alors Geertje Dircks comme nourrice. Rembrandt est un épicurien. il aime la vie, il aime les femmes. Geertje devient sa maitresse. En 1647 une nouvelle femme — Hendrickje Stoffels – entre au service du Maître: Elle aussi passera rapidement dans son lit. L’ancienne gouvernante Geertje ne l’entend pas de cette oreille et intente un procès à Rembrandt pour rupture de promesse de mariage.
Il est condamné à lui verser une pension annuelle à titre de dédommagement.
Un peu plus tard, ayant réalisé de mauvais placements, le peintre doit faire taire ses créanciers en procédant à la vente de ses biens personnels. Ses riches collections sont ainsi dispersées à l’encan ! Il décide désormais d’associer son fils, alors âgé de dix-neuf ans, et sa maitresse Hendrickje à la direction de ses affaires. En 1663 Hendrickje meurt laissant Rembrandt seul avec Titus… Père et fils vivront encore quelques années ensemble mais quand, l’année de ses noces, Titus meurt à vingt-sept ans, Rembrandt ne lui survivra que de quelques mois pour s’éteindre en 1669.
Il laisse derrière lui une œuvre colossale comportant 700 peintures, 1400 dessins et quelques centaines de gravures.
C’est avec un égal bonheur qu’il a su traiter des scènes intimistes, des nus (érotiques parfois), des portraits, des paysages, de grandes fresques historiques ou religieuses, des trompe l’œil, des natures mortes. Il a laissé une empreinte indélébile dans
L’Histoire de l’Art et de l’Humanité. A jamais nous lui sommes tous redevables du magnifique héritage qu’il nous a légué : UN GRAND MERCI MONSIEUR REMBRANDT !
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