Que diable allaient-il faire dans cette galère ? C’est ce que beaucoup pensent lorsque nous voyons des « fous » se lancer dans la restauration d’un monument en péril. Loués soient-ils car ils sont des gardiens et des passeurs. Sans eux nombre de demeures remarquables par leur architecture ou leur histoire auraient disparues à jamais, c’est-à-dire pour toujours.

C’est sur Instagram, que j’ai fait la « découverte » du château de Rosa Bonheur (ou à la TV je ne sais plus) à Thomery mais les quelques images de la demeure restée « dans son jus » m’ont immédiatement séduites par le charme suranné qui s’en dégagent. Mon regret est bien évidemment de n’avoir pu visiter le capharnaüm du grenier et l’atelier du 2ème étage. Un jour peut-être ?

Ami lecteur, imagine que tout est resté figé par le temps et que l’on s’attend à voir surgir, d’une seconde à l’autre, Rosa dans sa blouse de peintre qu’elle ne quittait pratiquement jamais, le pinceau dans une main et sa palette dans l’autre. Rosa est la sorte d’artiste que j’aime, elle a du caractère et sait ce qu’elle veut et surtout ce qu’elle ne veut pas !

Celle qui semble aussi avoir un caractère bien trempé, est l’actuelle propriétaire du château – Katherine BRAULT – qui redonne vie à ce lieu habité par la présence de l’Artiste. Le fait que cette demeure appartienne à quelqu’un dont le patronyme est identique au mien a piqué au vif ma curiosité ce qui est bien naturel. Cependant en l’état actuel des choses rien ne laisse supposer un lien de parenté sauf à remonter à une origine commune à tous les BRAULT (ou tout au moins sur plusieurs générations en développant les branches latérales de ma généalogie ce que je n’ai pas fait jusqu’à présent).

De son vivant, Rosa BONHEUR est aimée de certains et détestée de beaucoup. Ne voilà-t’il pas qu’elle s’habille comme un homme *, qu’elle peint comme un homme et qu’elle a du succès plus que nombre de ses coreligionnaires masculins. Elle pousse en plus la fantaisie jusqu’à se réfugier avec son incroyable ménagerie (des chats, des chiens, des chevaux Mustangs, des singes et même deux lions vivent en liberté à la campagne) pour fuir les mondanités Parisiennes.

J’ai déjà dû te dire que lorsque j’étais plus jeune nous avons eu des singes à la maison, ainsi que des chats, une souris blanche, des poissons, des oiseaux (canaris, perruches), et plus d’une dizaine de chiens, pas tous en même temps. De sorte que je me sens un lien d’affinité (très modeste) avec Rosa (la rose en Latin).

Songe encore qu’en tant qu’artiste peintre animalier elle est devenue très riche et célèbre jusqu’aux Etats Unis où un certain William Cody – plus connu sous le nom de Buffalo Bill – est devenu son ami. Rend toi compte qu’elle a été décorée de la Légion d’Honneur des mains même de l’Impératrice Eugénie. C’est plus qu’il n’en faut pour s’attirer la jalousie des médiocres.

Sa biographe et amie, l’artiste peintre Américaine, Anna KLUMPKE écrit en 1908 « … son souvenir n’est-il pas près de s’éteindre : Les belles œuvres qu’elle a laissées et qu’une admiration unanime a répandue un peu sur tous les continents, lui sont un sûr garant de vivre dans la mémoire de la postérité ».

Rosa Bonheur

Malheureusement la postérité se montre bien ingrate avec notre amie artiste dont le nom seul suffirait à la rendre célèbre. Quelle belle idée que de s’appeler « Bonheur » et que son prénom soit celui d’une si jolie fleur ! Hélas hormis un tableau au Musée d’Orsay on ne trouve guère de traces dans nos écoles d’Art, de cette célébrité mondiale de l’Histoire de la peinture du 19ème siècle. Autres temps autres mœurs, aujourd’hui notre siècle préfère célébrer les Youtubeurs et les rappeurs…

Mais remontons le temps, nous sommes en l’année 1822 quand, le 16 mars, naît à Bordeaux en la rue Sainte Catherine, une petite Rosalie, fruit de l’union d’un jeune professeur de dessin – Raymond Bonheur – avec Christine Dorothée Sophie Marchisio. En bon “Poisson”, Rosa a su mener sa barque sur le long fleuve pas toujours tranquille de la vie.

Enfant, la petite Rosalie aime battre la campagne, elle adore dessiner mais n’apprécie pas beaucoup les leçons de Français. C’est à l’âge de sept ans que Rosa, ses deux jeunes frères et sa mère quittent Bordeaux pour rejoindre Raymond à Paris.

Hélas, les cours de dessin ne paient guère et c’est une vie bien miséreuse qui attend la petite famille, d’autant que rapidement Raymond délaisse femme et enfants pour rejoindre ce qu’aujourd’hui nous désignerions comme une secte : Les Saint-Simoniens.

La pauvre mère demeurée seule s’épuise et meurt. Indigente elle sera enterrée à la fosse commune du cimetière de Montmartre, ce qui causera un vif chagrin à Rosa qui devenue riche ne pourra même pas offrir une digne sépulture à sa chère maman.

Bien que peu encline aux études Rosa est envoyée à l’école mais sa distraction première est de faire la caricature de ses professeurs qu’elle fixe à une petite ficelle dont elle attache l’autre extrémité à une boulette de papier mâché qu’elle colle au plafond… Et tu sais quoi ? En sixième ou en cinquième au lycée Jean-Baptiste Corot à Savigny-sur-Orge, je faisais la même chose avec des petits pantins en papier découpé (sans connaître l’existence de Rosa Bonheur) et mon cours préféré était le cours de dessin de Monsieur Durisy. Plus je découvre cette artiste et plus je l’aime !

Peu de temps après la mort de son épouse, Raymond entre dans une société secrète Templière ou il initie sa fille la jeune Rosa (Rosa = la Rose). Décidément l’histoire des pauvres chevaliers de l’Ordre du Temple m’a toujours passionné et fait écho à mes années estudiantines aux Beaux-Arts et mes initiations dans l’Ordre de la Rose+Croix suivies par onze années passées chez les Francs-Maçons du Droit Humain un peu plus tard. Rosa Bonheur je pense que nous nous serions bien entendus comme deux vieux copains.

Rosa excelle aussi en sculpture et donne à Isidore, son frère sculpteur, ses premières leçons. Elle a 26 ans lorsque le jury au nombre desquels on dénombre les illustres figures d’Horace Vernet, Meissonnier, Corot, Isabey, et Delacroix lui décerne la médaille d’or assortie d’une commande de l’Etat avec une somme de 3000 francs. Cette commande c’est celle du « Labourage Nivernais » exposé au Musée d’Orsay.

Cette œuvre marque sa consécration – désormais sa réputation et sa fortune seront assurées. Elle sera reconnue et saluée dans le monde entier et ses œuvres se vendront fort chères. Mais Rosa se trouve privée de l’affection de ses parents aimés et aimants puisque son père décède peu de temps après la réalisation de son tableau qu’elle expose au Salon de 1849 et dont la vente sert à payer les funérailles de Raymond.

A la suite de son cher papa, Rosa enseignera le dessin dans une école réservée aux jeunes filles. Rosa excelle aussi à peindre les chevaux comme avant elle le fit Géricault – celui du « radeau de la Méduse ». C’est avec son « marché aux chevaux » que Rosa connait un succès fou au Salon de 1853. Sa toile va faire le tour du Monde (Gand, Bordeaux, Londres, Birmingham et New-York où elle réside désormais.)

Rosa va acquérir son château de By grâce à la vente de son tableau pour la modique somme de 50.000 francs alors que chacune de ses œuvres se vend plusieurs dizaines de milliers de francs, faisant sienne la recommandation de Raimond « suit les traces de Madame Vigée Le Brun ».

C’est à l’architecte Jules Saulnier (celui de la chocolaterie Menier à Noisiel) qu’elle confie la réalisation de son grand atelier. On y reconnait le style de l’architecte avec ses poutrelles métalliques en forme de colombages et l’emploi de la brique.

Rosa a rejoint le Panthéon des figures tutélaires de l’Art mais notre époque futile l’a un peu vite oubliée. Qu’importe il y aura toujours des passionnés, des amoureux de la peinture et de l’Art qui au fil du temps feront revivre le nom de tous ces grands artistes, tous mes chers Maîtres du passé, mes « poussiéreux » comme les appellent affectueusement Maryse De May.

Bien que la journée de visite du château de By fut pluvieuse, ce fut une journée heureuse puisque pleine de Bonheur ! Rosa je vous embrasse affectueusement.

Le Château de Rosa Bonheur se trouve au 12 rue Rosa Bonheur à THOMERY 77810. Visites sur réservations. Pour plus de renseignements consulter le site www.chateau-rosa-bonheur.fr

Remerciements à Katherine BRAULT et sa famille pour son accueil et son dévouement à maintenir vivante la mémoire de Rosa BONHEUR. Et merci à ma nièce Sophie BRAULT pour m’avoir accompagné dans cette visite et pour ses photos.

(*) Pour avoir le droit de se rendre aux Halles ou dans les foires aux bestiaux « privilège » uniquement réservé aux hommes elle obtient un titre officiel de la Préfecture de Police de « travestissement pour cause de santé » qui l’autorise à porter le pantalon !

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2 thoughts on “Dans l’antre de Rosa

  1. Très beau reportage. Merci pour ce partage sur cette peintre inconnue, même si son nom m’avait déjà effleuré. Comme quoi la célébrité ne tient qu’à un fil et je te félicite d’y avoir apporté ta contribution. !

    1. Bonjour Jean-Noël,

      Un GRAND MERCI pour ton compliment et ton partage. Je dirais que Rosa est plutôt méconnue qu’inconnue puisque l’une de ses oeuvre maîtresse “Labourage Nivernais” (133 x 206) est en exposition permanente au Musée d’Orsay – l’une des salle annexe de la Grande Galerie – niveau Rez de Chaussée sur l’aile gauche lorsque l’on rentre (la grande pendule de la Gare est alors dans notre dos). Une autre oeuvre majeure “le marché au chevaux” (244m x 507m) se trouve au Metropolitan Museum de New York City.
      Quant à la célébrité elle reste bien fragile…

      Un autre exemple est celui d’Alfred Boucher sculpteur aussi célèbre que Rodin dont il est l’ami. Il gagne le prix de Rome et doit partir pour la Villa Médicis, il confie alors sa jeune élève à son ami Rodin: Elle s’appelle Camille Claudel… Aujourd’hui tout le monde connait Rodin et la terrible histoire de l’infortunée Camille enfermée dans un asile d’aliénés mais qui se souvient encore d’Alfred Boucher qui a consacré sa fortune à aider les artistes miséreux en créant “La ruche” dans le quartier de Montparnasse ?

      Qui se souviendra dans quelques temps de Georges Mathieu, de Bernard Buffet, de Victor Vasarely qui furent les célébrités des années Pompidou avec Agam ?

      Bien amicales salutations
      Jissé

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