Ne pas tout dire dans les deux cent premières pages d’une intrigue policière fait la trame et l’intérêt d’un bon polar. L’auteur ménage le suspense jusqu’à la chute finale qui parfois nous surprend. En peinture ou en dessin c’est plus difficile d’obtenir un effet identique car un tableau se découvre au premier coup d’œil… encore que. Un tableau peut se lire à plusieurs niveaux. DALI maître dans l’art de l’illusion et peintre de génie savait ménager des effets de surprise. Au musée de Figueras en Espagne on peut admirer un immense portrait “pixellisé” du président LINCOLN. Lorsque l’on se rapproche du portrait on découvre Gala nue de dos regardant – au travers d’une ouverture stylisée en forme de croix – un lointain horizon rougeoyant. En s’approchant plus près encore, on découvre sur un carreau de la mosaïque un second portrait miniature d’Abraham Lincoln, comme un clin d’œil du Maître pour nous dire qu’il faut apprendre à regarder au delà des apparences. La croix de l’ouverture n’est d’ailleurs pas sans rappeler son “Christ de Saint Jean de la croix”, nouveau clin d’œil.
Je ne suis pas DALI, et si parfois dans ma tête j’en ai la folie, je n’ai (malheureusement) pas son immense talent de sorte que mes défis sont beaucoup plus simples. L’idée que je vous suggère dans cet article est de pratiquer l’art du suspens (sans “e” final) c’est à dire de faire des dessins qui bien qu’inachevés racontent l’essentiel. Le cerveau humain est ainsi fait, donnez lui à voir une image incomplète et il fera le reste en la complétant. Dans mon autoportrait en bleu (voir “dur dur la vie d’artiste”) la chevelure n’est pas totalement dite laissant le fond transparaître. Une simple ligne vient fermer le contour de la tête pour un confort visuel. Le cerveau de l’observateur peut ainsi plus facilement reconstituer la partie manquante. Le suspens en dessin ou peinture est l’art de dire sans dire, l’art de peindre sans peindre. L’observateur devient artiste lui-même en quittant son rôle passif de voyeur pour prendre les commandes et recréer la partie manquante. C’est comme pour un puzzle, bien qu’il manque quelques pièces, l’œil et le cerveau reconstituent l’image intégrale.
Nous savons que nous avons une bouche, un nez mais aussi deux yeux et deux oreilles. Si vous décidez de ne dessiner qu’un seul œil ou une seule oreille le portrait sera quand même compris et reconnu. En fait vous devez vous attacher à la ressemblance dès le premier trait. Votre premier œil doit vous donner, à lui seul, TOUTE la ressemblance !!! Si vous dessinez l’œil d’un chat, en le regardant on doit savoir de quel animal il s’agit. Cela vous semble exagéré ? Rien n’est plus faux. Le dessin commence avant même d’avoir saisi un crayon. Je me prépare mentalement, et cet état mental pourrait être comparé à une sorte de méditation. L’empathie pour mon sujet est la clef de la réussite du dessin, et son absence la cause de l’échec. Lorsque je dessine – d’après photo – un animal, j’essaye de ressentir sa chaleur corporel, si je dessine une rivière, j’imagine la fraîcheur de son eau sur ma peau… A vrai dire pas tout à fait mais c’est presque comme cela que ça se passe. En fait je suis totalement concentré sur mon dessin. Il me parait invraisemblable de dessiner en pensant à autre chose comme la liste des courses à faire ou le coup de fil à passer à tante Gertrude. Si je dessine, je pense dessin, je respire dessin, je deviens le sujet de mon dessin. JE SUIS LE DESSIN. Quand on aime ce que l’on fait, dessiner devient facile ! Adoptez ce mode de penser (le dessin) et vous serez surpris de vos progrès rapides.
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