La Sagrada Familia – Barcelone – Antoni GAUDI architecte Catalan
“Ta ta ba da boum ta ta ba da boum ba ta doum ba ta doum” j’écoute Jimi Hendrix tout en frappant de mes baguettes la peau des tambours placés devant moi. J’ai quatorze ans, et je suis dans un petit pavillon de la banlieue Londonienne. Pendant que je me défoule sur cette pauvre batterie qui ne m’a rien fait, Andrew, mon correspondant est dans la pièce d’à coté entrain de jouer au strip poker avec deux jolies “petites anglaises” en minijupe… Oui je sais, j’ai fais parfois des choix qui n’ont pas toujours été judicieux, celui là en fut un. Ma timidité et ma découverte de la Pop anglaise avaient choisi pour moi. A mon retour d’Angleterre j’avais progressé avec la langue mais pas en “French Kiss”… Ainsi j’avais le rythme dans la peau… Au noël suivant le “père Noël” glissait dans mes petits souliers une superbe batterie Pearl nacrée 5 fûts (une caisse claire, deux toms mediums, un tom basse et une grosse caisse) avec une cimbale et une pédale charleston. Pendant les deux ou trois ans qui suivirent j’allais m’appliquer consciencieusement à casser les oreilles de mes parents. J’étais aux anges, eux pas !
Le rythme n’existe pas qu’en musique, mais aussi en littérature, en poésie, ou chez Nougaro dans sa façon de placer les mots et les allitérations dans ses chansons. “Quatre boules de cuir tournent dans la lumière, de ton oeil électrique, boxe, boxe, Ô déesse de pierre”… ou encore “Je suis saoûl, saoûl, sous ton balcon comme Roméo, oh oh Marie-Christine…”.
Bien évidemment le rythme se fait pierre dans l’architecture et formes et couleurs dans la peinture. Ce sont les colonnades de la façade du Louvre dessinées par l’architecte Claude Perrault, ou les 8 colonnes de la Madeleine qui répondent en écho aux 12 colonnes du parvis de l’Assemblée Nationale dans un style Gréco-Romain. Depuis l’Antiquité les architectes alternent vides et pleins, rondes bosses et gorges, frises et rinceaux pour ornementer l’Architecture des Temples et des Palais de la République patricienne afin de les distinguer des demeures plébéiennes.
Avant que d’être contemporaine et déstructurée, longtemps l’Architecture fut classique avec ses façades guindées obéissant à une symétrie parfaite inspirée de l’architecture des Palazzi Italiens de la Renaissance et des riches demeures d’Andrea Palladio. Le relevé de la place Vendôme (ci-dessus) effectué pendant mes années d’études montre bien ce rythme des façades distribués sur trois niveaux. Succession rythmée d’arcades lobées en rez-de-chaussée surmontées de deux étages nobles avec alternances d’ouvertures (les fenêtres) et pilastres pour reprendre les charges. Enfin en toiture un étage de service éclairé par des oculus. Toutefois il n’y a pas que dans le dessin d’Architecture que l’on trouve un rythme. Il est aisé d’en percevoir un chez Escher ou dans les peintures d’artistes modernes comme Victor Vasarely, Sonia Delaunay ou Piet Mondrian pour ne citer que ceux là. Dans l’œuvre de ce dernier l’alternance des vides (blancs) et des pleins (couleurs) et des 3 primaires (Jaune, Rouge et Bleu) avec les Noirs et les Gris créé un rythme géométrique.
Œuvre de Piet MONDRIAN
Toutefois dans la peinture des Maîtres du passé il est possible aussi de trouver des rythmes comme je vais le montrer avec “la Cène” de Philippe de Champaigne. Dans cette scène nous assistons au dernier repas du Christ au cours duquel il annonce qu’avant que le coq n’ai chanté trois fois l’un de ses disciples le trahira. On perçoit dans la main gauche (la main qui reçoit par opposition à la main droite qui donne) de Judas Iscariote la bourse contenant les trente deniers reçus en récompense de sa trahison. En observant les personnages nous pouvons constater que Jésus occupe la position centrale avec de part et d’autre deux disciples. Le disciple à la gauche du tableau avec une tunique Verte et Rouge (couleurs complémentaires symbolisant la Terre et le Feu) tandis que le disciple à la droite du tableau arborre les deux couleurs complémentaires Jaune et Bleu (qui représentent ici l’Air et l’Eau). Jésus au centre représente ainsi la Quinte essence. A gauche et à droite du tableau deux groupes de cinq personnages dont celui de Judas sur la gauche.
Nous avons donc un premier rythme de 5 + 3 + 5. Ce premier rythme se décompose en d’autres rythmes cachés qui sont par exemple le rythme des mains visibles sur le tableau au nombre de 19 mains que l’on décompose en 7 + 6 + 6 (7 mains pour le “groupe de Judas”, 6 mains pour celui de Jésus et ses deux compagnons, et 6 mains pour le groupe de droite). Un autre rythme est induit par le nombre de pieds visibles sur le tableau. Nous avons 9 pieds visibles qui se répartissent comme suit:
A gauche 2 pieds (ceux de Judas) puis 6 pieds cachés sous la table et enfin à droite 1 seul et unique pied visible soit un rythme de 2 + 6 + 1.
Il existent d’autres rythmes possibles par exemple le nombre de visages tournés vers la droite du tableau (6) opposé au nombre de visages tournés vers la gauche (5) avec un visage tourné vers le fond (1 = personnage de dos) qui contrebalance le visage du Christ qui nous fait face (1) soit un rythme 6 + 5 + 1 + 1
La Cène – Philippe de Champaigne
On pourrait encore, établir un rythme basé sur l’alternance et la répétition des couleurs (rouge, vert, jaune, bleu, rose et blanc) et leur symbolique, ou encore étudier la position et l’orientation des mains, ou le nombre d’yeux avec leurs directions. Comment donc définir un rythme ? Un rythme est la répétition d’un élément dans une séquence (une suite d’éléments organisés de façon régulière ou irrégulière). A la batterie un tempo peut être “martelé” de façon régulière, ou bien au contraire le batteur peut casser le rythme pour créer un nouveau tempo. En peinture, dessin, architecture, sculpture un élément peut être répété “systématiquement” ou de façon “anarchique”. Cet élément peut être assemblé et ordonné en une suite logique (grouper) ou disséminé de façon aléatoire (dégrouper) sur toute la surface à traiter (la feuille de dessin, la toile, le mur, le terrain…).
Le “dripping” de Jackson Pollock est un exemple de rythme aléatoire. Une goutte de peinture tombe à espace temps régulier – toutes les x secondes – mais en une position spatiale totalement aléatoire. Pour cela il suffit de prendre un récipient (pot de peinture) percé d’un trou. La “siruposité” de la peinture fait que le liquide mettra un certain laps de temps pour s’écouler par le trou. Le pot étant suspendu par une corde il suffit de lui donner un mouvement de balancier ou de torsade pour que le pot se mette en mouvement en libérant sa charge de peinture de façon aléatoire à cause des mouvements désordonnés du pot.
Dans l’urban street art il est simple de créer un rythme par l’utilisation d’un pochoir (la création et l’usage d’un pochoir fera l’objet d’un prochain article). Le collage est également une technique pratiquée par les artistes urbains pour répéter un motif sur une surface. Je peux ainsi reproduire le dessin d’un objet en plusieurs exemplaires, découper ces reproductions et réaliser une nouvelle composition en les assemblant à ma guise sur une toile vierge sur laquelle je viendrai peindre ensuite par dessus ou autour du motif (le collage fera aussi l’objet d’un article).
Alors 1, 2, 3, compte avec moi, car je compte sur toi pour que tu te lance avec moi dans le rythme de la création… Let’s Go !
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