- Accessoire, se dit de ce qui n’est pas l’essentiel; chose secondaire.
- Élément variable qui complète la toilette (foulard, ceinture, sac, etc.).
Voilà le décor est planté avec ces deux définitions empruntées au dictionnaire LAROUSSE, et pourtant rien ne me parait plus inexacte en ce qui concerne la peinture de portrait. Tout au contraire, l’accessoire est alors ce “petit quelque chose” qui en dit long sur le portrait. Il n’est pas simplement anecdote, il est l’objet par lequel le portrait prend vie et s’incarne. J’ai copié rapidement quelques portraits rencontrés au hasard du web complété d’un tableau d’un gentleman photographié au musée d’Orsay. Le signe d’appartenance à l’aristocratie du Comte Robert de Montesquiou peint en 1897 par Boldini se caractérise par sa canne qu’il arbore fièrement telle une épée. A cette époque – ici le XIXème – ce genre de canne dite à mécanisme pouvait parfois dissimuler une dague ou une épée à la lame effilée. Il ne faut pas oublier que les affronts publiques se terminaient souvent par un duel qui pouvait aller jusqu’à la mort de l’un des deux protagoniste. Ainsi Toulouse Lautrec voudra se battre en duel avec le peintre de Groult pour défendre l’honneur de son ami Vincent Van Gogh dont l’artiste avait critiqué les œuvres lors d’une exposition. Finalement de Groult fera des excuses publiques et le duel n’aura pas lieu… Ici la canne est un élément structurant du tableau. Elle suit une direction parallèle au pan de la redingote de ce gentilhomme. Le fût en acajou tranche avec les harmonies de bleus du tableau. Cette canne joue un rôle primordiale ici, celui de faire valoir, de mise en valeur du personnage tout en lui conférant allure et prestance. On peut ainsi la comparer à l’épée des preux chevaliers mais aussi au sceptre du roi, ou au bâton de maréchal sur le champ de bataille. Elle est un instrument qui marque la puissance du personnage.
Le Comte Robert de Montesquiou par Giovanni Boldini 1897 – HST – Musée d’Orsay
Dans l’exemple suivant c’est l’aigrette qui tient la vedette de ce portrait. Il s’agit d’un croquis rapide que j’ai réalisé d’après un portrait de l’artiste Clara Weil fait par Paul Helleu. Le portrait est représenté de profil, la ligne parfaite du nez est ainsi prolongé par cet accessoire de mode sur la coiffe de la jeune femme. On devine qu’elle est raffinée, peut être un peu fragile, le regard perdu au loin. Volontairement l’artiste a choisi de la représenté de façon à ce que l’on ne puisse plonger nos yeux dans celui du portrait ce qui fait qu’elle nous échappe, gardant ainsi sa part de mystère. La ligne du décolleté suit la ligne du nez et de l’aigrette. Le regard suit ainsi la ligne du cou, l’oreille, le nez et l’aigrette dans une composition de “Z en miroir”. C’est “l’éclair” de génie du peintre que d’avoir saisi la grâce et la délicatesse du modèle avec une sobriété d’effets. Toi qui me lis je t’invite à jeter un œil (et même les deux) sur l’oeuvre originale d’Helleu car mon croquis rapide ne lui rend guère hommage.
Croquis d’après le portrait de l’artiste Clara Weil par Paul Helleu (circa 1919).
Pour le croquis suivant je ne sais plus qui est l’artiste qui a peint l’oeuvre dont j’ai fais cette rapide copie. Je pense que l’on se situe dans soit à la fin du 18ème siècle soit au début du 19ème ?. Ici l’accessoire est le ruban dans les cheveux qui discipline cette chevelure toute en bouclettes et mèches rebelles. La demoiselle est enjouée, on la devine un brin espiègle. Elle ne fuit pas notre regard, elle observe à la dérobée une scène qui la réjouit. De quoi s’agit-il ? De l’approche de son amoureux ? De la maladresse d’un proche qui l’amuse ? Qu’importe sa jeunesse et son sourire nous invite à la rêverie. Maintenant le col est fermée assez haut, elle est pudique et réservée. Un simple accessoire raconte une histoire. Comme la fameuse jeune fille à la perle. Ne t’y trompe pas le sujet du tableau de Vermeer est bien la coiffe et surtout la perle qui a donné au tableau son titre. Remplace la jeune fille par une autre, le sujet malgré tout restera toujours “la jeune fille à la perle” et ce quelle que puisse être la tête qui porte la coiffe et l’oreille à laquelle est accrochée.
J’ai enfin réalisé ce dernier portrait rapide d’après photo. Le dernier accessoire est… Tu ne vois pas ? Cet objet est d’une telle banalité et d’un tel commun qu’on l’oublie totalement… c’est la cigarette… Bon on peut rêver mieux comme accessoire, je le concède, mais pour un fumeur la cigarette est le prolongement de lui même. Elle et lui ne font qu’un, il ne peut plus se passer d’elle, quant à elle, elle est pendue à ses lèvres. Elle est son amie, sa confidente,… son poison aussi. Elle est vissée au coin des lèvres et projette son ombre sur le menton. C’est la seule “ombre au tableau” qui fait contrepoint à la tache de lumière sur la joue du personnage. En outre cet “appendice” fait circuler la valeur sombre sur le portrait: Le regard est accroché par le bout du mégot puis les narines, la tache sur le nez, et glisse sur les yeux, les sourcils pour se perdre enfin dans les cheveux couleur noire de corbeau.
Lorsque tu réalises un portrait, réfléchi au trait de caractère que tu veux faire ressortir chez ton modèle et trouve l’accessoire qui va le mieux le définir. Images-tu John Lennon sans ses indispensables petites lunettes rondes ? Salvador Dali sans sa moustache ? Fidel Castro sans son cigare ? Maurice Chevalier sans son célèbre canotier ? Charlot sans sa canne et son chapeau melon ? Comprends-tu l’importance de l’accessoire dans le portrait ? Bien choisi il personnifie et identifie la personne dont tu veux faire le portrait. Et toi, si un seul objet devait te représenter, quel serait-il ? Mes lunettes constituent depuis si longtemps le prolongement du bout de mon nez que je ne saurais m’imaginer sans… Voilà je te propose de réfléchir à ma question et d’y répondre – si cela t’amuse – dans les commentaires. A très vite sur ce blog.
Si cet article te plait, Merci de le partager avec tes amis
Views: 886